Simplicité fiscale

Je discutais récemment avec un nouvel ami de la complexité de l’impôt. Nous évoquions à la fois les entreprises qui en font un modèle d’affaires et qui engagent des lobbyistes pour s’assurer que l’impôt ne soit pas plus simple ou plus clair (1, 2, 3). Nous partagions l’intuition qu’il y avait quelque chose de problématique tans le fait que l’impôt soit si complexe qu’il soit difficile d’avoir un débat public clair et constructif à son sujet sans avoir à se référer à des experts.

En revenant de cette discussion, j’ai pensé à ce billet que j’avais récemment publié concernant le républicanisme scandinave. J’y avais noté que la transparence était pour les républicains scandinaves une condition importante de la liberté. Je ne l’avais pas noté dans mon résumé de l’article de Nilsen, mais il faut savoir que la transparence est l’une des trois conditions qu’identifie Pettit dans son livre On the People’s Terms pour définir ce qu’est une politique légitime (donc non dominatrice) d’une décision qui ne l’est pas (donc dominatrice). Pour lui, la transparence est une condition nécessaire, car elle permet d’ouvrir les décisions publiques à la contestation, pour pouvoir savoir si cette décision publique particulière participe à dominer un individu ou un groupe. Sans transparence, il est beaucoup plus difficile d’imaginer une contestation efficace qui puisse réellement lutter contre les sources de la domination. L’insistance des républicains scandinaves pour la transparence est donc profondément républicaine au sens où elle participe d’un mouvement d’appropriation des conditions de la liberté.

L’impôt est de nos jours particulièrement complexe. Cette complexité a une origine dont l’histoire serait à faire et dont les détails vont dans de multiples directions. Il y a les groupes qui en tirent profit, mais aussi politiques publiques électoralistes tout aussi bien que les projets de redistributions. Cependant, d’une perspective républicaine, il est clair qu’il est nécessaire de lutter contre une politique dont l’idéal est noble (contribuer à financer des programmes et des services publics), mais dont la pratique rend de plus en plus possible la domination. Certes, il faut redistribuer et offrir des services publics aux citoyens et citoyennes. Cela participe à la liberté républicaine, mais il convient aussi que les mécanismes pour financer ces services soient transparents, impartiaux et contestables.

Bibliographie

Pettit, Philip, On the People’s Terms: A Republican Theory and Model of Democracy, Cambridge University Press, 2012.

Nilsen, Håvard Friis, « Republican Monarchy: The Neo-Roman Concept of Liberty and the Norwegian Constitution of 1814 », Modern Intellectual History, juin 2017, pp. 1‑28.


par

Étiquettes :